"Le penseur", 1880-1881, Auguste Rodin

 

Auguste Rodin (1840-1917)

Adolescent, Rodin fréquente l'école spéciale de dessin et de mathématiques. Malgré ses prix en dessin et en modelé, il échoue trois fois au concours d'entrée de la prestigieuse école des beaux-arts. Il gagne alors sa vie comme praticien.

En 1871, il s'installe en Belgique pour y trouver du travail et organise sa première exposition de sculpteur indépendant à Bruxelles. En 1875, il visite l'Italie, où il subit l'influence de Michel-Ange. Sa première œuvre importante, l'âge d'airain (v.1876), fait scandale lors de son exposition à Bruxelles et au Salon de Paris : elle est si ressemblante qu'on l'accuse de l'avoir moulée sur un modèle vivant.

En 1880, Rodin reçoit commande de la Porte de l'enfer. A mesure qu'il travaille à cette œuvre, et à d'autres, sa réputation et son atelier grandit. L'extrémisme de sculptures comme les Bourgeois de Calais (commandés en 1884) et du magnifique Monument à Balzac (commandé en 1891) lui valent la notoriété et le succès.

En 1900, malgré les polémiques nées de ses œuvres, Rodin est désormais considéré comme le plus grand sculpteur vivant. Un pavillon entier lui est consacré à l'2xposition universelle organisée à Paris en 1900. Il n'épouse sa compagne de toute une vie, Rosie Beuret, que quelques mois avant de mourir.

L'œuvre 

Cette sculpture fut à l'origine conçue comme une partie d'un ensemble plus vaste, intitulé la Porte de l'enfer et destiné à un musée d'arts décoratifs prévu à Paris, qui comprenait plusieurs sculptures représentant des personnages de la Divine Comédie, de Dante. Le Penseur devait occuper le linteau, d'où il contemplait les tourments des damnés sculptés plus bas en bas relief, mais le musée ne fut jamais construit. Exposé en 1888 comme œuvre autonome sous le titre du Poète, il était peut-être censé représenter Dante, mais Rodin à banni tout détail anecdotique, tel le vêtement si caractéristique du poète florentin, au profit d'une figure nue, créant ainsi une image intemporelle et universelle. Chaque élément de ce bronze évoque la concentration de la pensée. Comme le nota Rodin lui même, "il ne pense pas seulement avec son cerveau, avec son sourcil froncé, ses narines écartées et ses lèvres pincées, mais aussi avec chaque muscle de ses bras, de son dos et de ses jambes, ses poings serrés et ses orteils crispés". Ce chef-d'œuvre montre l'extraordinaire puissance expressive que Rodin savait insuffler au nu.

Détail

1. Le dos musclé

Le menton appuyé sur la main, le personnage est perdu dans ses pensées. Sa tête penchée et la position de ses doigts suggèrent qu'il réfléchit sur lui même. Ses traits massifs apparaissent rudes et rugueux, sous le bord très large de son front lourdement modelé.

2. Le contrapposto

Le bras droit replié s'appuie sur la cuisse gauche et la main gauche détendue enveloppe le genou gauche. Cette pose tournante en contrapposto ("hanchement") rend l'œuvre intéressante sous tous les angles d'observation. Elle permet aussi de mettre en valeur les tons de la chair, les muscles et les veines. Rodin insistait sur la puissance émotionnelle de la silhouette, qu'il créait en "faisant tourner alternativement l'argile et le modèle".

3. Les orteils crispés

Les orteils agrippant le rocher à peine dégrossi expriment une concentration intense, en une transposition physique extérieur d'un combat mental intérieur. Cette tension envahit jusqu'aux muscles des mollets creusés en surface, qui ajoutent une sensation de mouvement, malgré la pose assise.

4. Le dos musclé

L'éclairage met en relief la musculature ondoyante du dos de l'homme. Le modelé crée de spectaculaires contrastes d'ombre et de lumière, faisant écho à la touche brisée des peintres impressionnistes. Le spectateur gagne beaucoup à tourner autour de la sculpture.